Dans le cadre de l’exposition proposée par Julie Morel « Asleep on the Raft » les lectures électriques rassembleront les textes d’Emanuele Coccia, Donna Harraway, Diane Scott, Anne Dufourmantelle, Starhawk, Marielle Macé, Gilles Clément ou encore Alain Damasio. Le corpus traversé pour cette édition des lectures électriques mettra en avant les sensibilités troublées et troublantes des métamorphoses du vivant et des cohabitations disparates que nous vivons ou pourrions vivre.
Science-fiction, poésie et essais seront mis en résonance faisant apparaitre un monde entre deux eaux où l’homme, son environnement et la possibilité de rêverie qui les traversent viennent se mêler de manière critique et émancipatrice.
Asleep on the Raft
Éloge de la douceur.
« Pour l’exposition Asleep on the Raft, Esox Lucius convie deux artistes adeptes de matériaux détournés et de displays, coutumiers de typologies et combinaisons formelles audacieuses. Roxane Jean y déploie des territoires sensibles ayant trait au jardin et Guillaume Constantin explore des matériaux plus techniques choisis pour leurs qualités plastiques. La sophistication de ces deux points de vue s’additionne et joue avec humour du challenge que constitue l’espace de l’ancienne gare (re)créée par le designer Philippe Million. En assumant cet espace éminemment non neutre, les deux artistes font bugger la binarité d’une exposition à quatre mains dans deux espaces contigus.
Dessins, papiers peints sérigraphiés, sweat-shirts, matériaux trouvés, impressions 3D et céramiques se glissent parmi les nombreux interstices de la galerie. La stratification, l’agencement des travaux et des références évoquent le passage d’un état à l’autre, un curieux « entre deux eaux ». L’ancienne salle d’attente redevient un lieu de départ vers de multiples destinations. La gare se peuple d’objets et productions virtuels et matériels, fabriqués et trouvés, où le corps se trouve convoqué quasi continuellement : incarné littéralement par les fragments de mains et visages polychromes imprimés numériquement, suggéré par la présence de sweat-shirts drapés de motifs marins ou coquillages combinés par Guillaume Constantin. Ceux-ci tantôt se téléscopent, tantôt dialoguent au plus près du corpus coloré et des empreintes gestuelles de Roxane Jean qui prend en charge le monde terrestre : aplats chlorophyllés, motifs floraux, jungles de traits. En bordure de champs, quelques carottes sauvages, infra-ordinaire botanique, nuages de pétales sur lesquelles se pose une toute petite fleur colorée, trompe l’œil d’un insecte imaginaire venant les butiner… Corps et corpus jouent ici à cache-cache. Matérialisations, typologies et détournements via fichiers open source* se superposent à un répertoire végétal proliférant et rythmé, tracé sur les supports plans. Roxane Jean propose une herborisation sentimentale ou ironique : ses plantes pratiquent des stratégies de séduction, prennent plus ou moins de place, s’affirment ou restent en retrait. Et les mains en impression 3D de Guillaume Constantin de cueillir ou recueillir, de se tendre vers le vide et de ponctuer l’espace comme des virgules anatomiques.
L’impression générale dégage une (inquiétante) étrangeté qui trouve écho dans le titre de l’exposition. En- tête de chapitre d’un roman de Mark Twain*, cette phrase énigmatique évoque une personne assoupie sur un radeau, dérivant dans la brume. Mais qui dort – ou bien est-ce un rêve éveillé ? Quel est ce radeau sans pilote conscient ? Ce vaisseau qui nous transporte, n’est-ce pas notre corps même ?
Morbide ? Seulement de cette morbidité à l’italienne qui signifie harmonieuse et délicate, que l’on emploie pour parler d’un biscuit, l’Amaretti morbidi … Morbide ? Non pas, quand on se réfère à la racine latine de ce mot pour qualifier ce qui est moelleux. Tendre. Doux. «
Julie Morel, commissaire de l’exposition